“Ça se voit tellement qu’il craque pour toi, c’est dingue !
- Qui ?
- Bah, le prof tient !”
Khloe pouffa de rire discrètement pour ne pas attirer l’attention des autres élèves, puis se tourna vers son amie à moitié amusé, à moitié dégouté.
“Tu es folle. Il a au moins 40 ans !
- Et alors. Il est pas mal tout de même…
- Mais tentes ta chance. Moi les vieux, non merci !”
Les deux amies se regardèrent malicieusement avant de replonger le nez dans leur cahier pour ne pas s’attirer les foudres du professeur qui leur lançait déjà des regards noirs. Khloe tentait de faire comme si la remarque de son amie la laissait de marbre tandis qu’elle faisait mine de prendre des notes, mais son coeur battait à tout rompre et elle sentait le feu venir à ses joues. Évidemment, elle aussi sentait les regards brûlants d’Ambrose durant les heures de cours, elle devinait ses yeux posés sur elle en permanence, avec ce petit sourire en coin qui lui donnait un air aussi bien charmant qu’inquiétant. Évidemment qu’elle savait. Mais elle ne pensait pas que cela était si évident. Et si son amie avait déjà remarqué, d’autres avaient certainement dû le voir également et les rumeurs n’allaient pas tarder à pointer le bout de leur nez, amenant avec elles leur lot de problèmes. Peut-être même que l’administration allait mener sa petite enquête, et alors là… Khloe se mordit la lèvre inférieure alors que l’angoisse commençait déjà à lui ronger le ventre. Alors peut-être bien que sa liaison avec le professeur allait être exposée au grand jour. Elle ne savait pas trop ce qu’elle encourait, hormis une crise sans pareil venant de sa mère, mais elle avait pleinement conscience des risques encourus par Ambrose, et le savoir en prison lui glaçait le sang. Elle ne voulait pas le perdre. Khloe posa son bras sur la table et cala sa tête dans le creux de sa main, regardant son professeur et amant gesticuler au tableau sans vraiment l’écouter. Elle sourit bêtement avant d’être tirée de sa rêverie par la sonnerie annonçant la fin des cours. Une fois dans le couloir, elle fit mine d’avoir oublié quelque chose sur sa table et dit à son amie de ne pas l’attendre pour rentrer, tandis qu’elle faisait demi tour en souriant. Elle rentra dans la salle, prit bien soin de fermer la porte derrière elle puis se jeta dans les bras de l’homme bien plus âgé qu’elle.
Ambrose la plaqua contre le bureau sauvagement avant dans l’embrasser. Khloe se laissa faire au début, mais très vite les mains baladeuses de son professeur l’agacèrent. Elle n’avait pas envie de ça, surtout pas après les remarques de son amie. Elle le repoussa violemment pour lui faire comprendre d’arrêter, descendit du bureau et lui dit l’air grave :
“Il faut qu’on arrête ça, ok ? C’est grave et… Les gens commencent à se poser des questions, j’aime pas trop ça.
- Chérie, ce n’est rien. Ce ne doit être que des rumeurs de lycéens...” dit-il, ses mains descendant le long du coup de la jeune fille, bien décidé à reprendre là où ils s’étaient arrêtés. Elle se détourna et lui lança un regard noir.
“Je suis sérieuse Ambrose. Oceana m’a encore fait une remarque aujourd’hui. Si tu étais plus discret aussi…”
L’homme comprit que la jeune brunette était sérieuse et s’assit en soufflant. Il passa sa main sur son visage, lentement, en regardant amoureusement la jeune demoiselle qui se tenait face à lui. Qu’il avait été con aussi, de tomber amoureux comme ça d’une gamine. 16 ans.. Elle pourrait être sa fille. Sa nièce avait le même âge tient… Mais il était difficile de résister à Khloe. Son sourire, ses yeux, sa chevelure. Tout chez elle le rendait fou. Fou, c’est exactement ça. Il n’y a que ce terme pour qualifier cette relation qu’ils ont entrepri tout les deux. Deux inconscients...
“Bien. On fait quoi dans ce cas ? Tu ne souhaites pas qu’on arrête, tout de même ?”
Khloe se détourna d’Ambrose et s’approcha de la fenêtre. Elle espérait que ne plus le voir, ne pas lui faire face, lui donnerait la force de rompre. Mais en vérité ce n’est bon que pour les films, ça ne rendait absolument pas la tâche plus simple. Ambrose comprit ce qui traversait l’esprit de son élève et se leva pour se placer derrière elle, ses bras musclés entourant la taille fine de la jeune fille. Il savait que là, son odeur emplissant ses narines, son torse collé contre son dos, elle n’aurait pas le cran. Elle ne le quitterait pas, non. Une larme coula le long de la joue de Khloe. Elle ferma les yeux un instant pour s’empêcher d’éclater en sanglot et murmura dans un souffle :
“Non.”
“Bordel Khloe ! Dis moi que ce n’est pas vrai !
- Maman, calmes toi s’il te plaît, écoutes moi…
- Mais à quoi pensais tu ? Déjà que tu sortes avec un homme de plus de 40 ans me donnait la nausée, mais maintenant vous êtes mariés ! Mariés bon sang ! Trésor tu ne vois pas qu’il te manipule complètement ? Un vrai pervers, taré…”
Et c’était reparti pour un flot d’insultes, dont la violence allait crescendo. Khloe souffla un grand coup et se tourna vers son mari qui se tenait dans l’ombre, au fond de la pièce. Sa présence ne gênait nullement la mère de la jeune femme qui continuait de le lyncher à coup d’injures, tout en faisant comme si il n’était pas présent. Faire accepter Ambrose à sa mère avait été compliqué. En réalité, la femme n’a jamais accepté la relation que sa fille entretenait avec son ancien professeur. Elle le tolérait, ou plutôt le subissait, juste pour garder sa fille près d’elle. Daphne sentait l’aura qu’il dégageait, cet aspect mystérieux et sensuel, elle voyait bien que ce charme inquiétant avait envoûté sa fille. Elle savait qu’elle ne faisait pas le poids. A choisir, Khloe le prendrait lui, c’était certain. Mais elle aimait sa fille, plus que tout, alors elle ne fit pas de vague lorsque son bébé - de dix neuf ans déjà - lui présenta cet homme aux tempes grisonnantes qu’elle se rappelait avoir vu dans les couloirs dans l’ancien lycée de Khloe. Il ne lui inspirait que du dégoût, mais la brunette l’avait choisi lui, parmis tous ceux qui lui baisaient les pieds, que pouvait elle faire ?
Daphne savait qu’elle avait sa part de faute dans toute cette histoire. Elle avait trop couvé sa fille, elle avait voulu la protéger de tout, ne lui faire manquer de rien. Elle grandit choyée et chérie, véritable enfant gâtée, voyant le monde comme un écrin merveilleux la protégeant de tous les dangers. Khloe ne savait pas reconnaître les rapaces comme ce type. Elle n’était qu’une éternelle enfant, innocente, insouciante, attendant tout du monde. Elle souhaitait découvrir la vie, la vraie, rêver, avoir le monde à ses pieds, parcourir la terre aux bras de son prince charmant. Elle ne comprenait pas que ce gars ne lui apporterait pas le conte de fée qu’elle attendait. Daphne soupira. Ce mariage secret était définitivement de trop. Merde, elle n’avait que vingts ans ! Elle ne pouvait plus laisser passer, elle ne voulait plus.
Daphne se retourna et fixa son gendre, à peine plus jeune qu’elle. Son regard exprimait tout le mépris et l’horreur qu’elle ressentait à son égard. Elle savait qu’elle jouait gros, mais il le fallait. Elle n’allait pas laisser son enfant dans les mains de ce gars.
“Khloe, à partir de maintenant, c’est lui ou moi. Si tu passes le pas de cette porte à ses côtés, c’est pour toujours”
La voix de la femme se brisa et ses yeux s’embuèrent de larmes. Elle savait déjà qu’elle venait de perdre sa fille, elle la connaissait trop bien. Elle vit Khloe se détourner d’elle pour capter le regard de son mari. Ce regard fascinant, déroutant, lugubre. Il lui sourit, avec un air qui glaça le sang de la mère. S’en était fini se dit-elle.
Khloe ne savait que faire, prise entre les deux amours de sa vie. Elle cherchait des réponses dans les yeux de son amant, ces yeux qu’elle trouvait si doux, chaleureux et pourtant si obscures. Elle tentait d’y trouver une solution, et n’y trouva que de l’amour. Un amour étrange, leur amour. Un amour fait de larmes, de disputes, de déchirures, de blessures certes, mais c’était leur amour. Alors, les yeux emplis de larmes, elle prit le bras d’Ambrose et sortit de la maison familiale. Avant de monter en voiture, elle regarda une dernière fois le jardin de sa maison, ce si beau jardin aux fleurs luxuriantes et éclatantes, ce jardin qui représentait si bien sa mère. C’est comme si elle la regardait elle, à travers cette nature exubérante. Elle finit par monter dans le véhicule pour démarrer cette nouvelle vie, auprès de son mari.
Ambrose conduisait, l’air dur. Il avait cru un instant avoir perdu Khloe. Il avait cru un instant que sa mère allait parvenir à la lui prendre. Mais son trésor lui était revenu. Il l’aimait tellement, cette jeune brune à l’air espiègle. Il en était fou. Il se moquait bien de ce que les gens pouvaient penser de lui, seul comptait ce que elle pensait. Seul comptait qu’elle reste près de lui, à n’importe quel prix. Sa mère n’avait peut-être pas tort quand elle l’accusait de manipuler Khloe. Il mettait bien tout en oeuvre pour qu’elle soit sienne. Mais c’est pour la bonne cause, c’est au nom de l’amour.
à finir